Texte publié dans “Peut-on enseigner l’art?” (Louvre/Ensba)
“Au cours de ces années là, il était fréquent dans les écoles d’art anglaises d’alimenter le sentiment d’appartenance à une communauté en faisant circuler de petites histoires fabuleuse. Elles avaient généralement trait aux faits et gestes des personnages les plus picaresques du corps enseignant, mais aussi parfois du corps estudiantin. Ces histoires illustrent peut-être à leur manière les problèmes que se pose l’enseignement de l’art moderne à des artistes, et aussi la faisabilité ou la futilité de cette entreprise. Du temps que j’ai passé à St Martin’s, j’ai retenu plus particulièrement deux de ces histoires. La première concerne le directeur du département de sculpture, un homme dont la qualification pour le poste avait moins à voir avec la nature de son propre travail artistique – que personne n’avait jamais vu- qu’avec ses impressionnants états de service et son fervent dévouement au département dont il avait la responsabilité. Il ne tenta jamais, autant que je sache, d’enseigner l’art de la sculpture à quiconque. Il se contentait, disait-on, de passer de temps en temps la tête par la porte de son bureau et de crier dans le couloir “Très bien. Fais-en une autre!
(…)
Si cette histoire plaisait cependant en 1967, c’était en réalité parce que de nombreux étudiants de l’atelier de sculpture ne faisaient à vrai dire rien — ou en tout cas rien susceptible d’être un objet de consensus au sein de l’institution quant à ce qui pouvait et ce qui ne pouvait pas être considéré comme de la « sculpture ». De l’avis des artistes-enseignants qui se rendaient dans les ateliers, ils avaient tout simplement arrêté de produire.”