Afternoon in School – The Last Lesson
When will the bell ring, and end this weariness?
How long have they tugged the leash, and strained apart
My pack of unruly hounds: I cannot start
Them again on a quarry of knowledge they hate to hunt,
I can haul them and urge them no more.
No more can I endure to bear the brunt
Of the books that lie out on the desks: a full three score
Of several insults of blotted pages and scrawl
Of slovenly work that they have offered me.
I am sick, and tired more than any thrall
Upon the woodstacks working weariedly.
And shall I take
The last dear fuel and heap it on my soul
Till I rouse my will like a fire to consume
Their dross of indifference, and burn the scroll
Of their insults in punishment? - I will not!
I will not waste myself to embers for them,
Not all for them shall the fires of my life be hot,
For myself a heap of ashes of weariness, till sleep
Shall have raked the embers clear: I will keep
Some of my strength for myself, for if I should sell
It all for them, I should hate them -
- I will sit and wait for the bell.
D. H. Lawrence
http://www.famousliteraryworks.com/lawrence_d_h_afternoon_in_school.htm
How long have they tugged the leash, and strained apart
My pack of unruly hounds: I cannot start
Them again on a quarry of knowledge they hate to hunt,
I can haul them and urge them no more.
No more can I endure to bear the brunt
Of the books that lie out on the desks: a full three score
Of several insults of blotted pages and scrawl
Of slovenly work that they have offered me.
I am sick, and tired more than any thrall
Upon the woodstacks working weariedly.
And shall I take
The last dear fuel and heap it on my soul
Till I rouse my will like a fire to consume
Their dross of indifference, and burn the scroll
Of their insults in punishment? - I will not!
I will not waste myself to embers for them,
Not all for them shall the fires of my life be hot,
For myself a heap of ashes of weariness, till sleep
Shall have raked the embers clear: I will keep
Some of my strength for myself, for if I should sell
It all for them, I should hate them -
- I will sit and wait for the bell.
D. H. Lawrence
http://www.famousliteraryworks.com/lawrence_d_h_afternoon_in_school.htm
Balthus, Les méditations d’un promeneur solitaire de la peinture (entretiens avec Françoise Jaunin)
(Enfants, 1937)
extraits
" F.J: Où et comment, puisque c’était en marge des circuits académiques, avez-vous appris votre métier de peintre?
B.: Le peintre Pierre Bonnard, qui était très ami avec mes parents, a dit un jour à mon père : surtout ne l’envoyez pas dans une école d’art, il y perdrait quelque chose. Je me suis donc fait mes écoles tout seul. En fait, j’ai appris mon métier comme on apprend à parler : en essayant de faire comme font les autres, en regardant travailler mon père et ma mère, en écoutant les conseils de Bonnard, de Maurice Denis, et plus tard d’André Derain. Et en pratiquant assidûment la copie. A l’époque, les jeunes peintres considéraient le Louvre comme un cimetière. Moi, j’y allais tout le temps. J’y ai beaucoup copié Poussin. J’aurais bien aimé pouvoir l’interroger sur sa touche, sur ses couleurs… Puis je suis allé copier Piero Della Francesca à Arezzo. "
(…)
" F.J.: C’étaient là des écoles bien solitaires.
B.: J’ai découvert beaucoup de choses tout seul, au prix de passablement d’erreurs et de bêtises. Mais en réalité, je n’étais pas si seul. "
(…)
" F.J. : Et ce que l’on appelait les maîtres, y en a-t-il encore?
B.: Je ne crois pas. Loin de moi évidemment l’envie de prôner l’académisme. Mais force est de reconnaître que l’académisme conservait les derniers vestiges d’un métier et d’une technique qui pouvaient se transmettre de maître à élève, de génération en génération, faute desquels l’enseignement artistique et, qui sait, l’art lui-même aboutissent à une impasse.
F.J.: Pourtant, l’académisme lui aussi a conduit à une forme d’impasse.
B.: Bien entendu, et la rupture avec lui était indispensable et salutaire. Mais qu’avons-nous mis à sa place? Il n’y a plus d’école. En rejetant l’académisme, on a rejeté du même coup les notions de technique et de métier. Or, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, la technique et le métier sont indispensables en art. c’est si vrai que les plus grands artistes de notre temps, y compris ceux qui ont le plus contribué à détruire l’académisme et les formes anciennes, étaient encore les héritiers du métier et de la technique traditionnels.
Voyez Picasso qui les possédait à un tel degré et de manière si précoce (son père était un professeur de dessin très exigeant qui avait guidé sa main dès son plus jeune âge) qu’il m’avait un jour confié, presque avec un peu de tristesse : « Je n’ai jamais fait de dessins d’enfant. » Mais les grands artistes contemporains qui poussent au plus haut degré d’individualisme leur recherche, que peuvent-ils transmettre plus loin? Avoir des élèves n’a aucun sens pour eux. Quand il y a autant de langages que d’artistes, il n’y a plus de communication et de transmission possibles. On ne peut plus s’étonner que les êtres se sentent isolés. Il n’y a plus de langage commun. Par contre, curieusement, on ne parle que de culture. Jusqu’à une époque relativement récente, ce n’était qu’un synonyme d’agriculture. Maintenant on en a plein la bouche, de la culture. On en vient même à en parler comme d’une denrée, d’un produit de grande consommation. Sociologiquement, le phénomène est intéressant. On n’aura jamais autant parlé de la culture que lorsqu’elle est sur le point de disparaître.
F.J.: Quel est alors le rôle de l’art dans la société d’aujourd’hui?
B.: C’est bien ce que je me demande. Une fois encore, je me répète, mais la séparation entre l’art et le métier ne fait que consacrer la cassure entre l’art et l’artisanat. Tout, absolument tout découle de cette cassure qui s’est accentuée à mesure que l!ère industrielle a progressé. L’analyse serait extrêmement complexe. Mais on peut dire que l’artisanat (qui, lui aussi, est tombé bien bas aujourd’hui) était le terreau où l’art puisait sa substance, sa nourriture. Séparer l’art de l’artisanat revient à séparer l’art de la vie. La disparition progressive de l’artisanat a entraîné une disjonction entre l’utile et le beau. Parallèlement, on a vu naître un manichéisme au terme duquel l’art est devenu un luxe situé dans une sorte d’empyrée qui n’a plus de lien avec la vie quotidienne. "
B.: Le peintre Pierre Bonnard, qui était très ami avec mes parents, a dit un jour à mon père : surtout ne l’envoyez pas dans une école d’art, il y perdrait quelque chose. Je me suis donc fait mes écoles tout seul. En fait, j’ai appris mon métier comme on apprend à parler : en essayant de faire comme font les autres, en regardant travailler mon père et ma mère, en écoutant les conseils de Bonnard, de Maurice Denis, et plus tard d’André Derain. Et en pratiquant assidûment la copie. A l’époque, les jeunes peintres considéraient le Louvre comme un cimetière. Moi, j’y allais tout le temps. J’y ai beaucoup copié Poussin. J’aurais bien aimé pouvoir l’interroger sur sa touche, sur ses couleurs… Puis je suis allé copier Piero Della Francesca à Arezzo. "
(…)
" F.J.: C’étaient là des écoles bien solitaires.
B.: J’ai découvert beaucoup de choses tout seul, au prix de passablement d’erreurs et de bêtises. Mais en réalité, je n’étais pas si seul. "
(…)
" F.J. : Et ce que l’on appelait les maîtres, y en a-t-il encore?
B.: Je ne crois pas. Loin de moi évidemment l’envie de prôner l’académisme. Mais force est de reconnaître que l’académisme conservait les derniers vestiges d’un métier et d’une technique qui pouvaient se transmettre de maître à élève, de génération en génération, faute desquels l’enseignement artistique et, qui sait, l’art lui-même aboutissent à une impasse.
F.J.: Pourtant, l’académisme lui aussi a conduit à une forme d’impasse.
B.: Bien entendu, et la rupture avec lui était indispensable et salutaire. Mais qu’avons-nous mis à sa place? Il n’y a plus d’école. En rejetant l’académisme, on a rejeté du même coup les notions de technique et de métier. Or, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, la technique et le métier sont indispensables en art. c’est si vrai que les plus grands artistes de notre temps, y compris ceux qui ont le plus contribué à détruire l’académisme et les formes anciennes, étaient encore les héritiers du métier et de la technique traditionnels.
Voyez Picasso qui les possédait à un tel degré et de manière si précoce (son père était un professeur de dessin très exigeant qui avait guidé sa main dès son plus jeune âge) qu’il m’avait un jour confié, presque avec un peu de tristesse : « Je n’ai jamais fait de dessins d’enfant. » Mais les grands artistes contemporains qui poussent au plus haut degré d’individualisme leur recherche, que peuvent-ils transmettre plus loin? Avoir des élèves n’a aucun sens pour eux. Quand il y a autant de langages que d’artistes, il n’y a plus de communication et de transmission possibles. On ne peut plus s’étonner que les êtres se sentent isolés. Il n’y a plus de langage commun. Par contre, curieusement, on ne parle que de culture. Jusqu’à une époque relativement récente, ce n’était qu’un synonyme d’agriculture. Maintenant on en a plein la bouche, de la culture. On en vient même à en parler comme d’une denrée, d’un produit de grande consommation. Sociologiquement, le phénomène est intéressant. On n’aura jamais autant parlé de la culture que lorsqu’elle est sur le point de disparaître.
F.J.: Quel est alors le rôle de l’art dans la société d’aujourd’hui?
B.: C’est bien ce que je me demande. Une fois encore, je me répète, mais la séparation entre l’art et le métier ne fait que consacrer la cassure entre l’art et l’artisanat. Tout, absolument tout découle de cette cassure qui s’est accentuée à mesure que l!ère industrielle a progressé. L’analyse serait extrêmement complexe. Mais on peut dire que l’artisanat (qui, lui aussi, est tombé bien bas aujourd’hui) était le terreau où l’art puisait sa substance, sa nourriture. Séparer l’art de l’artisanat revient à séparer l’art de la vie. La disparition progressive de l’artisanat a entraîné une disjonction entre l’utile et le beau. Parallèlement, on a vu naître un manichéisme au terme duquel l’art est devenu un luxe situé dans une sorte d’empyrée qui n’a plus de lien avec la vie quotidienne. "
Lettre aux jeunes artistes de Paris
Messieurs et chers confrères,
Vous avez voulu ouvrir un atelier de peinture, où vous puissiez librement continuer votre éducation d’artistes, et vous avez bien voulu m’offrir de le placer sous ma direction. Avant toute réponse, il faut que je m’explique avec vous sur ce mot « direction ». Je ne puis m’exposer à ce qu’il soit question entre nous de professeur et d’élèves.[…] Je n’ai pas et je ne puis pas avoir d’élèves. Moi, qui crois que tout artiste doit être son propre maitre, je ne puis songer à me constituer professeur.
Je ne puis pas enseigner mon art, ni l’art d’une école quelconque, puisque je nie l’enseignement de l’art, ou que je prétends, en d’autres termes, que l’art est tout individuel et n’est pour chaque artiste, que le talent résultant de sa propre inspiration et de ses propres études sur la tradition. J’ajoute que l’art, ou le talent, selon moi, ne saurait être, pour un artiste, que le moyen d’appliquer ses facultés personnelles aux idées et aux choses de l’époque dans laquelle on vit. Spécialement, l’art en peinture ne saurait consister que dans la représentation des objets visibles et tangibles pour l’artiste.
Aucune époque ne saurait être reproduite que par ses propres artistes, je veux dire que par les artistes qui ont vécu en elle. Je tiens les artistes d’un siècle pour radicalement incompétents à reproduire les choses d’un siècle précédent ou futur, autrement à peindre le passé ou l’avenir. C’est en ce sens que je nie l’art historique appliqué au passé. […]
Je tiens aussi que le peinture est un art essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes. C’est une langue toute physique, qui se compose, pour mots, de tous les objets visibles. Un objet abstrait, non visible, non existant, n‘est pas du domaine de la peinture. L’imagination dans l’art consiste à savoir trouver l’expression la plus complète d’une chose existante mais jamais à supposer ou à créer cette chose même.
Le beau est dans la nature, et se rencontre dans la réalité sous les formes les plus diverses. Dès qu’on l’y trouve, il appartient l’Art, ou plutôt à l’artiste qui sait l’y voir. Dès que le beau est réel et visible, il a en lui-même son expression artistique. Mais l’artiste n’a pas le droit d’amplifier cette expression. Il ne peut y toucher qu’en risquant de la dénaturer, et par suite de l’affaiblir. Le beau donné par la nature est supérieur à toutes les conventions de l’artiste. Le beau, comme la vérité, est une chose relative au temps où l’on vit et à l’individu apte à le concevoir. L’expression du beau est en raison directe de la puissance de perception acquise par l’artiste.
Voilà le fonds de mes idées en art. Avec de pareilles idées, concevoir le projet d’ouvrir une école pour y enseigner des principes de convention, ce serait rentrer dans les données incomplètes et banales qui ont jusqu’ici dirigé partout l’art moderne.Il ne peut pas y avoir d’écoles, il n’y a que des peintres.[…] Je ne puis donc avoir la prétention d’ouvrir une école, de former des élèves, d’enseigner telle ou telle tradition partielle de l’art. Je ne puis qu’expliquer à des artistes, qui seraient mes collaborateurs et non mes élèves, la méthode par laquelle, selon moi, on devient peintre, par laquelle j’ai taché moi-même de le devenir dès mon début, en laissant à chacun l’entière direction de son individualité, la pleine liberté de son expression propre dans l’application de cette méthode. […)
Tout à vous de cœur. Gustave Courbet
( Lettre aux jeunes artistes de Paris datant du 25 décembre 1861 et publiée dans le Courrier du dimanche.)
http://www.institut-courbet.com/
des diplômes
"
Je n’hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l’ennemi mortel de la culture. Plus les diplômes ont pris d’importance dans la vie (et cette importance n’a fait que croître à cause des circonstances économiques), plus le rendement de l’enseignement a été faible. Plus le contrôle s’est exercé, s’est multiplié, plus les résultats ont été mauvais.
Mauvais par ses effets sur l’esprit public et sur l’esprit tout court. Mauvais parce qu’il crée des espoirs, des illusions de droits acquis. Mauvais par tous les stratagèmes et les subterfuges qu’il suggère ; les recommandations, les préparations stratégiques, et, en somme, l’emploi de tous expédients pour franchir le seuil redoutable. C’est là, il faut l’avouer, une étrange et détestable initiation à la vie intellectuelle et civique.
D’ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute matière, aboutit à vicier l’action, à la pervertir... Je vous l’ai déjà dit : dès qu’une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n’est plus l’action même, mais il conçoit d’abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle. Le contrôle des études n’est qu’un cas particulier et une démonstration éclatante de cette observation très générale.
Le diplôme fondamental, chez nous, c’est le baccalauréat. Il a conduit à orienter les études sur un programme strictement défini et en considération d’épreuves qui, avant tout, représentent, pour les examinateurs, les professeurs et les patients, une perte totale, radicale et non compensée, de temps et de travail. Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s’organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens. Le but de l’enseignement n’étant plus la formation de l’esprit, mais l’acquisition du diplôme, c’est le minimum exigible qui devient l’objet des études. Il ne s’agit plus d’apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie. Il s'agit d’emprunter, et non plus d’acquérir, d’emprunter ce qu’il faut pour passer le baccalauréat.
Ce n’est pas tout. Le diplôme donne à la société un fantôme de garantie, et aux diplômés des fantômes de droits. Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d’une science momentanée et purement expédiente. D’autre part, ce diplômé au nom de la loi est porté à croire qu’on lui doit quelque chose. Jamais convention plus néfaste à tout le monde, à l’Etat et aux individus (et, en particulier, à la culture) n’a été instituée. C’est en considération du diplôme, par exemple, que l’on a vu se substituer à la lecture des auteurs l’usage des résumés, des manuels, des comprimés de science extravagants, les recueils de questions et de réponses toutes faites, extraits et autres abominations. Il en résulte que plus rien dans cette culture altérée ne peut aider ni convenir à la vie d’un esprit qui se développe.
"
Paul Valéry, Le bilan de l'intelligence (1935), in Variété, Œuvres, t. 1, Gallimard, Pléiade, p. 1076.
http://skhole.fr/paul-val%C3%A9ry-sur-les-diplomes-et-le-baccalaur%C3%A9at
Je n’hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l’ennemi mortel de la culture. Plus les diplômes ont pris d’importance dans la vie (et cette importance n’a fait que croître à cause des circonstances économiques), plus le rendement de l’enseignement a été faible. Plus le contrôle s’est exercé, s’est multiplié, plus les résultats ont été mauvais.
Mauvais par ses effets sur l’esprit public et sur l’esprit tout court. Mauvais parce qu’il crée des espoirs, des illusions de droits acquis. Mauvais par tous les stratagèmes et les subterfuges qu’il suggère ; les recommandations, les préparations stratégiques, et, en somme, l’emploi de tous expédients pour franchir le seuil redoutable. C’est là, il faut l’avouer, une étrange et détestable initiation à la vie intellectuelle et civique.
D’ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute matière, aboutit à vicier l’action, à la pervertir... Je vous l’ai déjà dit : dès qu’une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n’est plus l’action même, mais il conçoit d’abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle. Le contrôle des études n’est qu’un cas particulier et une démonstration éclatante de cette observation très générale.
Le diplôme fondamental, chez nous, c’est le baccalauréat. Il a conduit à orienter les études sur un programme strictement défini et en considération d’épreuves qui, avant tout, représentent, pour les examinateurs, les professeurs et les patients, une perte totale, radicale et non compensée, de temps et de travail. Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s’organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens. Le but de l’enseignement n’étant plus la formation de l’esprit, mais l’acquisition du diplôme, c’est le minimum exigible qui devient l’objet des études. Il ne s’agit plus d’apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie. Il s'agit d’emprunter, et non plus d’acquérir, d’emprunter ce qu’il faut pour passer le baccalauréat.
Ce n’est pas tout. Le diplôme donne à la société un fantôme de garantie, et aux diplômés des fantômes de droits. Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d’une science momentanée et purement expédiente. D’autre part, ce diplômé au nom de la loi est porté à croire qu’on lui doit quelque chose. Jamais convention plus néfaste à tout le monde, à l’Etat et aux individus (et, en particulier, à la culture) n’a été instituée. C’est en considération du diplôme, par exemple, que l’on a vu se substituer à la lecture des auteurs l’usage des résumés, des manuels, des comprimés de science extravagants, les recueils de questions et de réponses toutes faites, extraits et autres abominations. Il en résulte que plus rien dans cette culture altérée ne peut aider ni convenir à la vie d’un esprit qui se développe.
"
Paul Valéry, Le bilan de l'intelligence (1935), in Variété, Œuvres, t. 1, Gallimard, Pléiade, p. 1076.
http://skhole.fr/paul-val%C3%A9ry-sur-les-diplomes-et-le-baccalaur%C3%A9at
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